Malik attend ses « associés »
au pied de son immeuble, assis sur le dossier d'un banc, face au bac
à seringues, un ancien bac à sable reconverti en dépotoir. Il tire sur son joint, les yeux dans le vague. Autour de lui,
les parents et les anciens traînent leurs savates sur le
bitume craquelé. Les jeunes, ceux de son âge, sont presque tous à
la mosquée.
Les rares qui avaient un job ont été
limogés par la crise, puis par la préférence nationale.
Bien fait, vite fait, les basanés de la république ont salement
morflé. Lui, il nourrit les siens en vendant de l'herbe qu'il fait
pousser du côté de la voie ferrée abandonnée. Le nouveau tracé
passe plus à l'est, loin de la cité.
Au moment où tout a commencé à
dérailler, lorsque le guignol qui était présidents a fui le pays, les bobos bien-pensants, ceux qui
parlaient avec amour de la diversité, la bouche en cul-de-poule, ont élu un néo-Nazi, un
gars qui aurait fait passer le vieux borgne pour un joyeux gauchistes.
Ils ont frappé les premiers...
Peut-être qu'ils ont bien fait, peut-être qu'ils auraient fini par
se faire dépouiller. On le saura jamais.
Mais depuis, la France « black blanc beurre » a pris une chevrotine double zéro en pleine tête. Et, pour ceux des quartiers, l'enfer est descendu sur terre, pour le plus grand bonheur des barbus.
Mais depuis, la France « black blanc beurre » a pris une chevrotine double zéro en pleine tête. Et, pour ceux des quartiers, l'enfer est descendu sur terre, pour le plus grand bonheur des barbus.
La plupart des amis d'enfance de Malik fréquentent désormais les imams venus du bled, forgés dans l'acier Islamique le plus dur. Tous les jours, se
sont deux ou trois pauvres gamins qui se font exploser dans l'espoir de passer l'éternité à
chevaucher des vierges... deux ou trois gamins qui, hier, dealaient du
shit et qui, aujourd'hui, sucent la beuh par les racines...
Une vieille femme, une sorte de gros
pruneaux édenté, trottine vers le jeune homme.
-Malik ! Va di'e à ta mè'e qué cé g'ave ! Baragouine-elle, l'air paniqué.
-Qu'est-ce qui est grave ?
-L'eau coupé ! La lumié'e aussi !
-T'en fais pas, Fadela, je dirais à Kamel de passer, il t'arrangera
ça.
-Non ! Non ! S'écrie la vieille femme en
sortant de son sac une radio à moitié éventrée qui lâche
quelques mots entre deux grésillements. Pas qué moi ! Tous ! Tous a l'eau qué coupé et la
lumié'e aussi ! Pa'tout en F'ance et même en Eu'ope! Il a dit
! Il a dit !
-Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse,
Fadela ? On est juste un peu plus dans la merde qu'avant.
la vieille est soudain devenue froide
et dure comme un bout de métal perdu en Antarctique. Elle pose sur
l'avant-bras de jeune homme une main sale et déformée par l'arthrite. Elle lui
dit une phrase en Camerounais qui sonne comme une malédiction. Cette phrase, il l'a entendu qu'une
seule autre fois dans sa vie, dans la bouche de son père, un peu avant
sa mort.
Puis la vieille repart en claudiquant, sa radio crachotant comme un chat en colère.
Puis la vieille repart en claudiquant, sa radio crachotant comme un chat en colère.
Malik jette son mégot dans le bac à
sable, au milieu des seringues, et regagne son appartement.
(A suivre...)